L’esthétique du stigmate : la réception artistique

La poignée de la porte aux couleurs du temps passé ne tient plus que par un vieux clou vieilli dont la tête se décolle. Cette goupille improvisée finira par tomber. Le propriétaire agacé finira par changer cette poignée. La remplaçante sera lustrée et peut-être même dorée. La vieille poignée sera placée, dans un premier temps, dans une vieille boîte en bois dont les planches ont mal vieilli et sont dorénavant ajourées. La poussière s’installe. La vieille poignée n’est pas jetée. Il suffirait de mettre un nouveau clou ajusté. Un nettoyant quelconque et un peu d’huile de coude auraient donné une deuxième vie à l’objet. Une autre destinée s’impose à l’objet. Plusieurs années plus tard, lors d’un vide grenier quelconque, la poignée réapparaîtra. Un curieux s’en saisira et la contemplera en l’étudiant avec intérêt. L’objet pourra devenir décoration ou être transformé pour une utilisation quelconque. L’avenir de cette poignée ne préoccupe pas grand monde. Pourtant, un court instant, le curieux a perçu une émotion.
En tant que chasseur d’images, bien équipé, je pars à la recherche de ces objets de l’oubli marqués par le temps. À chaque prise de vue, il se passe un moment bien particulier. L’objet ou la scène est présent, mais il me faut le saisir d’une certaine manière. J’utilise toutes les règles iconographiques apprises et travaillées pendant 40 ans pour sublimer un objet du passé confronté à mon présent. Le cliché photographique lui donnera peut-être une suite, un nouvel avenir dans cette nouvelle perception. Je ne suis pas intéressé par l’histoire de l’objet. Le fait que ce matériau ait été placé au rebut n’est qu’une affaire d’hommes. Par contre cette dégradation possède des stigmates qui pourraient apporter des réponses sur l’historicité de l’objet et de son utilisation. Ses volumes sont recouverts de traces, qui de prime abord peuvent paraître repoussantes. En regardant ces formes, qui se chevauchent, qui s’emboîtent, qui colorient, certaines parties deviendront une exaltation de la matière. La matière au sens vrai, celle née du temps. Je n’ai pas envie de toucher ces objets. Par contre je suis attiré par leur multiplicité chromatique et leur texture vraie. Du vrai confronté à la réalité. On n’est pas dans l’art pictural, comme un Kandinsky aux recherches savantes (Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier), mais plutôt dans l’expression d’une réalité sublimée par la technique photographique.
Cette première exposition a eu lieu en 2000 – 2004. Les formats d’image numérique étaient alors limités. Grâce à l’intelligence artificielle, ces images réapparaissent 20 ans plus tard dans les grands formats. Ici, ces images sont des fichiers numériques de 80 cm sur 58 cm à une résolution de 300 dpi. (64 millions de pixels environ). Ces images sont imprimées en très haute résolution, avec des imprimantes onze couleurs permettant de restituer le gamut de l’image. Le support utilisé est du « Dibond » (panneau rigide de 3mm composé de tôle en alliage d’aluminium laqué blanc avec du polyéthylène noir au milieu.) Le rendu d’une brillance époustouflante augmente l’intensité et la saturation des couleurs.

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