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Pornographie et érotisme

Du porno à l’éro

Les salles de cinéma proposaient une pornographie où il était nécessaire d’avoir 18 ans. Parmi les grandes révolutions, il y a eu la cassette VHS, introduisant ainsi une pornographie à domicile. En effet, cette nouvelle technique a réorganisé complètement la sexualité individuelle. Ce n’est que bien plus tard que le contenu s’est déplacé sur Internet. Certains avaient recours aux prostituées.

Du porno à l’éro – interdit aux moins de 18 ans : vidéo YouTube

Luc François Dumas

Dans « La sexualité décodée », Luc François Dumas parle de pulsions mineures et de pulsions majeures. Ainsi, il évoque un schéma très précis où il associe le sadisme, le masochisme, l’érotisme, l’inhibition, le voyeurisme et l’exhibition. En outre, ces pulsions mineures viennent s’additionner aux pulsions majeures que sont l’autoérotisme, l’homosexualité, l’hétérosexualité, toutes ces pulsions étant contrôlées par une éducation qui permettra d’obtenir la tempérance.

L’hyper sexualisation

Mais aujourd’hui, le sexe est partout. De surcroît, sa représentation est omniprésente : média, littérature, mode et art contemporain. L’hyper sexualisation, qui avait pour terrain de jeu la ville, s’est progressivement déplacée sur Internet. En règle générale, la publicité et les films ont tendance à supprimer les seins nus, devenus inutiles, pour les remplacer par des codes subjectifs de la pornographie. Les images explicites et sérieuses sont devenues fictionnelles avec une normalisation de la sexualité. Les images ont disparu de la ville, il est nécessaire d’aller les chercher, et notamment sur Internet.

L’histoire de la pornographie

La pornographie a une histoire. En effet, les images à caractère sexuel ont toujours existé, de l’empire romain à nos jours. Leurs fonctions ont juste été différentes à travers les époques. On est passé d’une logique de procréation à une révolution sexuelle. Les guerres de religion, avec leurs phénomènes de réformes et de contre-réformes, ont amené une sorte de culpabilisation extrême de la chair et de la sexualité. L’église va vouloir mettre en forme des contrôles de l’intimité de chacun en utilisant, par exemple, la confession. Dans des temps plus anciens, le peuple se réjouissait, fasciné par la mort, de participer à des agonies et de voir le mourant dans ses derniers instants. À notre époque, cela devient obscène : les morts doivent mourir dans l’intimité de l’hôpital.

Des corps de jouissance

Aujourd’hui, on regarde l’orgasme alors qu’il était soustrait à la vue. Il est plus facile de découvrir les corps de notre époque. Ceux-ci sont en forme et bien nourris. Effectivement, les corps d’antan étaient recouverts de poux et de vermines, accompagnés d’une odeur fétide. En plus, nous sommes passés des corps de souffrance à des corps de jouissance.

Le libéralisme sauvage propose des conditions extrêmes. Il s’agit de services et de produits prêts à consommer. En théorie, la pornographie peut véhiculer une logique sexiste et raciste. Dans l’industrie pornographique, il vaut mieux être blonde aux yeux bleus que noire aux cheveux crépus. Par contre, le « black » affublé d’un organe démesuré est très apprécié lorsqu’il défonce une petite blonde gémissante. Ainsi, la pornographie importe de nouveaux standards.

Pour certains, la pornographie ne signifie pas la déviance, la violence et l’avilissement de la femme. Pour d’autres, cette déviance est une évidence avec un ressenti qui sublime l’animalité de l’homme.

Peinture numérique sur toile de « Anal » à la manière de l'éloge de l'approximation
De la pornographie à l’érotisme grâce à éloge de l’approximation, une peinture à reconstruire à l’aide de la structure à laquelle sont subordonnées les perceptions.

L’industrie pornographique

Malgré toutes ses tentatives, l’industrie pornographique n’arrivera jamais à montrer, jusqu’au bout, les mystères de l’attirance d’un homme ou d’une femme qui entraîne un désir surgissant. Comme les fantômes, les mystères de l’attraction échappent à la pellicule.

En vérité, la pornographie, c’est tout d’abord la mise entre parenthèses de l’affect, de l’émotion et surtout d’une chose absolument subversive : la tendresse. La pornographie, c’est plutôt une sexualité anormale qui cherche à se différencier de la sexualité des couples ordinaires. Les codes de la pornographie sont stéréotypés. Certains jeunes réalisent la sodomie et l’éjaculation faciale au premier rapport.

Les préservatifs

Grâce aux préservatifs, il est possible d’avoir des partenaires sans risque et de sortir du couple puritain bourgeois traditionnel. Il est donc facile d’obtenir une explosion de sensualité qui n’a plus besoin du porno. En exagérant, on pourrait dire que la pornographie est un instrument puritain. Il est à noter qu’il est très puritain de se masturber tout seul chez soi. La pornographie, à l’instar de la publicité, est frustrante car elle nous vante des femmes, prêtes à tout, absolument sublimes, imberbes, aux attributs révoltants, faisant l’amour avec des hommes « cheval ». En général, ce type de production manque d’esthétisme et d’érotisme. Dans cet esprit, la notion de désir est très rare dans un film porno et ces valeurs ne sont pas forcément ce que recherche le consommateur. Plus de la moitié des Français ont indiqué de façon déclarative être déjà allée sur un site pornographique.

Stimulant ou substitut

À ce propos, regarder les films pornos n’indique pas que le public a des frustrations ou des problèmes de rapport à l’autre. Pour certains, ce sera un stimulant et pour d’autres, un substitut. En effet, beaucoup de couples consomment des films pornographiques où l’on retrouve l’apologie du héros comme dans toute l’industrie cinématographique. À cet égard, les films pornographiques représentent un exutoire dans une société extrêmement puritaine. En cela, la pornographie explose avec les cassettes vidéo et les sites Internet. En additionnant le sida, cette collusion entraîne un repli pornographique.

Dans le cinéma pornographique, on retrouve des pratiques sexuelles, des physiques, des stéréotypes, des caricatures, qui sont loin, souvent, de la réalité. Grâce à cette exagération, il est possible de sortir de notre quotidien qui va satisfaire une pulsion sexuelle immédiate.

La littérature

Pour certains, la littérature va mettre en place une vraie participation et une vraie interaction intime avec les mots, entraînant une situation beaucoup plus perverse et moins innocente que de simples images pornographiques. Katsumi, reine du porno, déclare : « Je n’ai jamais lu de texte plus excitant et plus obscène que la littérature de Georges Bataille. »

Georges Bataille

Je mets mon vit contre ta joue
Le bout frôle ton oreille
Lèche mes bourses lentement
Ta langue est douce comme l’eau

Ta langue est crue somme une bouchère
Elle est rouge comme un gigot
Sa pointe est comme un couteau criant
Mon vit sanglote de salive

Ton derrière est ma déesse
Il s’ouvre comme ta bouche
Je l’adore comme le ciel
Je le vénère comme un feu

Je bois dans ta déchirure
J’étale tes jambes nues
Je les ouvre comme un livre
Où je lis ce qui me tue.

Le rêve français

La pornographie, c’est de la fiction. Par conséquent, notre société n’a jamais autant baigné dans la fiction. Le cinéma, la télé, les livres et même la politique ont voulu réenchanter le rêve français : c’est de la fiction. Grâce au numérique, le trucage est partout. Il est probable que bientôt de nouvelles pratiques pornographiques verront le jour grâce à la réalité virtuelle.

La parodie du film porno

Dans l’univers de la chambre à coucher est révélée notre faiblesse, notre aventure personnelle loin du superhéros. En effet, cet apprentissage met en place des sentiments comme la panique, la peur de ne pas être à la hauteur, etc. Pour certains, une nouvelle sexualité s’installe en réalisant des parodies du film porno. Il y a un mélange des genres, le film pornographique montre des choses vraies et des choses fausses. Souvent, l’adolescent regarde des films pornographiques pour comprendre comment fonctionne la sexualité. Il s’agit d’un regard pour apprendre. Par exemple, c’est le cas de l’éjaculation faciale. En effet, les sondages sur les pratiques sexuelles révèlent que les sondés ont une pratique calquée sur les films pornographiques. Pour cette raison, ces derniers montrent une jouissance ex-utéro. La parodie des films pornographiques qui se parodie elle-même. Ainsi, la pornographie invente de nouveaux codes qui ne se trouvaient pas dans la littérature.

L’hypersexualisation

La pornographie, c’est une libération qui nous enferme dans une nouvelle prison. Cette hypersexualisation engendre de la frustration, de telle sorte que cet état excessif provoque la mise en évidence d’un défaut. Il ne faut pas oublier qu’il existe une certaine population qui ne peut connaître de vie sexuelle qu’à travers ce qu’elle voit par la pornographie et par l’écran. La pornographie prend socialement en charge une population, plus particulièrement d’hommes, qui n’a pas la possibilité de vivre un acte sexuel réel. La prostitution coûte cher. En dehors des clivages moraux, il est facile de comprendre que la pornographie a perduré jusqu’à aujourd’hui parce qu’elle répond à une demande sociale très forte.

Le Gonzo

Dans le film pornographique, il y a deux catégories. La première, ce sont les films sans mise en scène et les films, souvent parodiques qui, par leurs titres ou par leurs sujets, proposent un scénario sans conviction permettant de relier de nouvelles situations avec des personnages nouveaux.

Le terme « gonzo » signifie en italien « idiot, crédule, dupe » et peut se rapporter à la pornographie sous la forme de pornographie brute non-fictionnelle. Cette production est facile à réaliser, elle ne coûte pas cher et c’est un produit idéal qui permet d’alimenter l’Internet. Cette production pourrait tuer l’industrie du X.

La seconde, ce sont les compagnies de films X qui réalisent des films avec une stratégie qui permet d’obtenir un résultat plus propre et plus soigné. Ces nouveaux produits permettent d’attirer une nouvelle clientèle et ainsi d’améliorer l’image du cinéma X.

La taille du sexe

La pornographie peut faire des dégâts chez les très jeunes, notamment parce que l’adulte peut faire des comparaisons avec la vie réelle. Pour l’enfant, il s’agit d’une réalité, une vérité. Statistiquement, c’est à 12 ans et demi que les garçons voient leur premier film porno. Pour les filles, il s’agit plutôt de 14 ans. Une enquête réalisée au Canada révèle que 25 % des 16/25 ans ont de très sérieux problèmes d’érection. D’autres enquêtes précisent que le « Viagra » est vendu à 40 % pour les moins de 40 ans.

Les sites pornographiques mettent en avant, à travers leurs publicités, toutes sortes de produits chimiques ou des méthodes pour améliorer l’érection voire la taille du sexe. Les sexologues soignent de plus en plus les addictions au porno, avec une utilisation pour certains d’une à six heures par jour. Pour les adolescents et les pré adultes, il est difficile d’envisager sereinement une vie sexuelle avec un sexe qui parait réduit lorsqu’il est comparé aux critères du film pornographique. Aux États-Unis, 15 000 filles mineures se font poser des prothèses mammaires pour ressembler aux stars du porno.

Intimité

La prolifération de l’univers pornographique nous permet de croire que nous sommes plus libérés alors que celle-ci a tendance à nous asservir. Il y a un discours de façade commun, notamment dans les médias, qui permet de parler de sexualité avec ses amis. Il ne faut pas oublier que la sexualité se vit de manière très intime : seul, avec un partenaire, avec des livres ou des images.

La pornographie a tué l’érotisme

La pornographie a tué l’érotisme, il ne s’agit pas d’une condamnation liée à la vertu. Faut-il retrouver cette notion d’éros, c’est-à-dire l’amour lié au corps. La liaison entre le corps et l’amour se fait par le langage. Il est facile d’observer que les films pornographiques mettent en avant un langage minimum, voire l’absence de langage. La langue de la pornographie, c’est l’anglais. Un anglais très pauvre que tout un chacun peut comprendre. Malgré une méconnaissance de l’anglais, la situation reste compréhensible. Le film pornographique est un retour au cinéma muet.

Un esclavagisme sexuel

Certaines personnes comparent leur vie sexuelle réelle avec une sexualité au travers des médias pornographiques. S’il est vrai qu’il existe un esclavagisme sexuel, les principaux fournisseurs de films porno sont les États-Unis, avec des conditions de travail tout à fait professionnelles. Les filles sont majeures et signent des contrats. Évidemment, comme dans toute industrie, il est possible de trouver des déviances avec des mineurs sous-payés. Cette déviance n’est pas liée à la pornographie, elle est liée à notre société : comme dans tout travail, il est possible qu’il y ait exploitation.

Les sites Internet proposent des films sur les obsessions : les gros seins, les rousses, les talons hauts, les infirmières… Elles permettent à certains de découvrir l’inimaginable. Elles emmènent un public vers une nouveauté. Dans l’univers de la solitude, tout devient possible.

Obsessions et fascinations

La liste des obsessions est fascinante : Amateur, Anal, Asian, BBW, Big Butt, Big Tits, Bisexual, Blonde, Blowjob, Brunette, Casting, College, Compilation, Cosplay, Couples, Creampie, Cumshots, Cunnilingus, Dildos/Toys, DP, Ebony, European, Facial, Fantasy, Female Friendly, Fetish, Fingering, Funny, Gay, German, Gonzo, Hairy, Handjob, HD, Hentai, Homemade, Instructional, Interracial, Japanese, Kissing, Latina, Lesbian, Massage, Masturbation, Mature, MILF, Orgy, Panties, Pantyhose, POV, Public, Redhead, Rimming, Romantic, Shaved, Shemale, Solo girl, Solo Male, Squirting, Straight Sex, Swallow, Teen, Threesome, Verified Amateurs, Vintage, Voyeur, Webcam, Young/Old, 3D

Transcription et libre adaptation de l’émission de France 2

« Ce soir ou jamais » animé par Frédéric Tadeï avec Arthur H, Bénédicte Martin, Katsumi, Laurent de Sutter, Serge Tisseron, Kaoutar Harchi, Michela Marzano, Claude Habib et Judith Benhamou-Huet.

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